Je rêve d'un monde où mon produit n'existe plus.
En 2015, Maëlle Chassard est encore étudiante et prépare un mémoire sur le thème de l’imaginaire. Un des sujets phares qu’elle aborde ? La créativité mise en péril des enfants à cause de l’omniprésence des écrans dans leur quotidien. Et pour cause, une récente étude de Santé Publique France révèle qu'un enfant de deux ans passe en moyenne 56 minutes devant un écran chaque jour. D’un simple projet d’étude, cela devient son combat. Elle embarque avec elle deux amis pour créer ce qui deviendra Lunii. Rapidement, ils décident de passer à l’action. Constater c’est une chose, proposer des solutions en est une autre. Avec ses associés, ils réalisent avec les moyens du bord le premier prototype de leur produit désormais culte : ma fabrique à histoires. Un petit boîtier au joli design qui remet au goût du jour le concept de conteuse.
La naissance d’un projet à impact
Pour Maëlle, la notion d’impact sonne comme une évidence. Tout d’abord, elle est incarnée par le projet lui-même : la volonté de Lunii est de trouver une astuce maline pour éloigner les enfants des écrans et stimuler leur créativité. Cela répond donc à un enjeu social et de société fort. Maëlle souligne d’ailleurs qu’elle “rêve d’un monde ou mon produit n’existe plus”. Autrement dit ? Tout le projet Lunii repose sur l’apport d’une solution pour rendre la vie des enfants (et bientôt des adultes) meilleure. Si le problème de base à savoir l’addiction disparaît, les solutions de Lunii n’ont plus lieu d’être.
Une communauté pour co-créer une entreprise durable
L’entreprise Lunii est portée par la volonté de rendre le quotidien de chacun un peu meilleur. L’humain est donc au cœur du projet et cela a été un axe fort dans le développement de l’entreprise. Depuis les premiers jours, Maëlle a choisi d’impliquer ses futurs clients dans la création des produits. Cette démarche s’est traduite par un financement participatif sur Ulule, la création d’une communauté de bêta testeurs, la consultation très régulière de sa communauté pour le choix des futurs produits et évolution. Leur crédo ? Faire ce que Maëlle appelle “l’économie de la fonctionnalité”. En d’autres mots, il s’agit de faire moins mais mieux. Proposer des produits minimalistes mais qui répondent entièrement et parfaitement aux besoins.
La définition de Maëlle de l’entrepreneuriat à impact
Pour Maëlle, être entrepreneure à impact c’est “se battre pour un projet qui soit juste, à la fois pour les humains, mais aussi pour la planète”. Et cela ne veut pas dire être parfait. Elle explique avec transparence que souvent la question se pose entre un choix orienté “business” ou un choix orienté “impact”. Autrement dit ? Réfléchir à comment l'on peut raconter des histoires interactives autrement que sur un objet électronique individuel, qui puise des ressources qui ne sont pas infinies. Des solutions comme l'économie circulaire ou bien réfléchir à des objets partagés localement seraient plus justes pour Maëlle. C’est d’ailleurs particulièrement complexe depuis la crise du COVID. Les coûts de fabrication ont augmenté (matières premières, logistique, etc…) et cela implique une pression plus forte pour les entreprises. Pourtant, Maëlle reste résolument optimiste. Pour elle, les projets à impact seront la norme demain.
Vers une évolution de la société dans son ensemble
Pour permettre une société où l’entrepreneuriat à impact est la norme, Maëlle souligne qu’il faudra “faire évoluer les mentalités”. Elle précise notamment qu’il sera essentiel de parvenir à sortir peu à peu de la vision capitaliste pure et dure. Cette approche, c’est en effet celle qui prédomine aujourd’hui, en tout cas dans l’univers startup. Plus concrètement, le schéma est simple. Une entreprise a un capital de départ et l’objectif est de croître, si possible le plus rapidement possible. Pourtant, initialement une entreprise se définit par l’INSEE comme étant une « unité économique, juridiquement autonome dont la fonction principale est de produire des biens ou des services pour le marché ». Pas de notion de croissance. Pas de notion de scalabilité (comme on dit dans le jargon). Il ne manque donc plus qu’à ajouter un aspect impact.
L’importance du financement
Pour Lunii, le financement était complexe. Contrairement à certains projets qui peuvent se lancer avec les moyens du bord, du temps et de la motivation, il était essentiel d’obtenir des fonds. En effet, la solution proposée est un produit physique complexe qui nécessite des prototypes et des investissements importants. L’entreprise a donc réalisé plusieurs levées de fonds. Depuis le premier jour, l’équipe a par ailleurs choisi BNP Paribas comme partenaire financier. Ils ont été accompagnés par une chargée d’affaires qui “au-delà de l’aspect simplement financier, avait une véritable compréhension de nos enjeux business”. Maëlle souligne également que les équipes ont toujours été très réactives et d’un grand soutien vis-à-vis du projet.
De bons signaux pour un monde meilleur demain
Depuis la création de Lunii en 2014, les choses ont bien changé. En presque 10 ans, on est passé de l'âge d’or de la startup Nation où l’argent est le maître mot à l’émergence d’une nouvelle vision de l’entreprise plus saine et durable. Aujourd’hui, les entrepreneurs qu’elle croise prennent le temps de se questionner en profondeur. “Qu’est ce que j’apporte vraiment ? Mon projet est-il utile à la société ou à quelqu’un ? Est-ce que je ne crée pas un nouveau besoin ?”. Elle le voit, la notion d’impact devient incontournable, et sur tous les aspects (écologique, social, éducation, etc…). Selon Maëlle, c’est un signal très positif. Si le chemin est encore complexe, on est en train peu à peu de voir des entreprises qui œuvrent au quotidien à façonner un monde meilleur. Elle résume d’ailleurs cette vision avec une phrase simple : “ces entrepreneurs à impact apportent de la joie dans le monde de l’entrepreneuriat tout en ayant une conscience”.